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Comme vous avez pu le lire dans les chapitres précédents, les messages transmis autrefois par les professionnels de la santé ainsi que par le monde de l’industrie ergonomique, aujourd’hui encore, diffèrent de notre compréhension actuelle des douleurs de dos. En effet, ces messages laissent penser aux patients que leur dos est fragile, vulnérable et qu’il peut facilement être blessé. Cela contribue à mettre en place des comportements visant à protéger le dos, en s’asseyant avec le dos droit, en évitant de se pencher en avant et en limitant les activités physiques. Or, comme nous l’avons vu précédemment, ces mesures de protection ne permettent pas de prévenir la survenue de lombalgies ou d’en diminuer les douleurs. Il a également été démontré que la façon de se tenir, de porter et le fait de se pencher en avant ne sont pas des facteurs risques importants de créer des douleurs de dos (O’Sullivan et al., 2016). Ce qu’il faut comprendre entre les mesures d’avant et les nouvelles alternatives d’aujourd’hui, c’est qu’il n’existe pas qu’une seule solution. Vous avez la possibilité de bouger de différentes manières, ou de varier la manière de vous tenir, cela n’augmentera pas le risque de connaître des douleurs de dos.

De plus, nous avons également vu que l’imagerie ne permet pas de définir de manière claire la cause des douleurs et qu’un grand nombre de personnes ne présentant pas de douleur au dos ont par contre des anormalités sur les images radiologiques ou sur les IRM. Il n’existe donc pas de concordance entre les images obtenues et les symptômes des patients. Cependant, le fait de découvrir de telles atteintes sur ces images a conduit à réaliser des traitements conséquents (fusions de vertèbres, remplacement de disque, injections, prise en charge pharmacologique) ayant une efficacité à long terme très limitée et comportant, a contrario, des risques importants pour la santé (O’Sullivan et al., 2016).

Les prises en charge reposant uniquement sur les facteurs physiques pouvant expliquer les lombalgies n’ont, elles aussi, pas démontré d’efficacité à long terme. Cela souligne à nouveau que le port de charge ou la posture que nous adoptons, par exemple, n’ont qu’une influence limitée sur le mal de dos et ne permettent pas, à eux seuls, d’expliquer les problèmes de dos. Il existe cependant des évidences grandissantes qui suggèrent que des facteurs non spécifiques comme les représentations négatives (penser que le dos est fragile, qu’on a quelque chose de grave), les émotions (stress, anxiété, dépression) et les habitudes de vie (tabac, sédentarité, sommeil) sont des prédicteurs importants des résultats cliniques à long terme. Ces éléments s’influencent fortement les uns avec les autres. Par exemple, penser que certains mouvements sont mauvais pour le dos et que celui-ci est fragile va conduire à éviter certains mouvements et, dans la majorité des cas, limiter son niveau d’activité antérieur. Ceci va conduire à une diminution des capacités du dos à tolérer les activités et les mouvements, et cela va induire une augmentation des douleurs.

Des facteurs non spécifiques comme les représentations négatives, les émotions et les habitudes de vie sont des prédicteurs importants des résultats cliniques à long terme.

Il est donc évident, aujourd’hui, que le mal de dos est un trouble multidimensionnel et ne peut être attribué à des facteurs mécaniques uniquement. Parmi les autres facteurs qui influencent les douleurs au dos, on retrouve notamment des facteurs génétiques, mais également des habitudes de vie comme le tabac, l’obésité, un faible niveau d’activité physique ou un mauvais état de santé général. En effet, ces éléments ont été associés à l’apparition d’épisodes de douleurs de dos ou à la persistance de ces douleurs (Hartvigsen et al., 2018). De plus, comme nous l’avons énoncé dans les chapitres précédents, la notion de douleur ne fait pas forcément référence à une lésion. La douleur est un système de protection et ce dernier peut, parfois, devenir trop sensible.

Nous vous invitons à consulter les prochains chapitres comprenant les différentes recommandations en matière de prise en charge des lombalgies ainsi que des exemples concrets d’exercices ou de comportements que vous pourriez mettre en place lors d’un épisode de douleur de dos.

Points clés

  • Le fait de protéger son dos ne permet pas de prévenir la survenue de lombalgies.
  • La façon de se tenir, de porter et le fait de se pencher en avant ne sont pas des facteurs de risques importants de développement de lombalgies.
  • Les représentations, les émotions et les habitudes de vie sont des prédicteurs importants de l’issue des lombalgies.
  • La présence de douleurs n’est pas synonyme de la présence d’une lésion.
  • Le mal de dos est multifactoriel et ne peut être uniquement attribué à des facteurs mécaniques.
Bibliographie

O’Sullivan, P., Caneiro, J. P., O’Keeffe, M., & O’Sullivan, K. (2016). Unraveling the Complexity of Low Back Pain. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 46(11), 932-937. doi: 10.2519/jospt.2016.0609

Hartvigsen, J., Hancock, M., Kongsted, A., Louw, Q., Ferreira, M.L., Genevay, S., Hoy, D., Karppinen, J., Pransky, G., Sieper, J., Smeets, R.J., Underwood, M., & Lancet Low Back Pain Series Working Group. (2018). What low back pain is and why we need to pay attention. The Lancet. doi: 10.1016/S0140-6736(18)30480-X

O’Sullivan, P., Caneiro, J. P., O’Keeffe, M., & O’Sullivan, K. (2016). Unraveling the Complexity of Low Back Pain. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 46(11), 932-937. doi: 10.2519/jospt.2016.0609

Wertli, M.M., Rasmussen-Barr, E., Held, U., Weiser, S., Bachmann, L.M, & Brunner, F. (2014). Fear- avoidance beliefs – a moderator of treatment efficacy in patients with low back pain : a systematic review. The Spine Journal: Official Journal of the North American Spine Society, 14(11), 2658- 2678. doi : 1016/j.spinee.2014.02.033